Laurent Koudou Gbagbo, né le 31 mai 1945 à Mama, en Côte d’Ivoire, est une figure centrale et durable de l’histoire politique ivoirienne. Son parcours, qui l’a mené d’un rôle d’universitaire engagé et d’opposant farouche à celui de Président de la République (2000-2011), avant d’affronter des défis juridiques internationaux sans précédent et de revenir sur la scène politique nationale, illustre les trajectoires tumultueuses de la Côte d’Ivoire post-indépendance. Sa vie est un reflet des luttes de la nation pour la démocratie multipartite, des périodes de profonds conflits civils et des efforts continus de réconciliation nationale.
Son retour et sa persistance sur la scène politique, même après une décennie de batailles juridiques et d’exil, témoignent d’une identité politique profondément enracinée et d’une connexion significative, voire charismatique, avec une partie de la population ivoirienne. Cette présence continue, au-delà de la simple ambition politique, suggère une mission historique perçue ou une base de loyauté solide. Le fait qu’il continue de s’engager politiquement malgré son âge (79 ans en 2024, 80 ans en 2025) et les obstacles passés, y compris son inéligibilité actuelle, est un indicateur de son influence durable. Ses propres déclarations, telles que « on se bat depuis que j’ai à peu près 18 ans » , et les célébrations populaires lors de son retour en témoignent. Cette persévérance, en dépit d’immenses revers personnels et politiques, dépeint un personnage qui considère son engagement politique comme un dévouement de toute une vie, potentiellement lié à une vision plus large pour la Côte d’Ivoire et pour l’Afrique.
Chronologie de la Vie et des Étapes Politiques Clés de Laurent Gbagbo |
Date de Naissance |
Lieu de Naissance |
Études Supérieures |
Début de Carrière Académique |
Première Incacération |
Fondation du FPI |
Exil en France |
Première Candidature Présidentielle |
Élection à l’Assemblée Nationale |
Seconde Incarcération |
Accession à la Présidence |
Début de la Crise Politico-Militaire |
Accord Politique de Ouagadougou |
Fin de la Présidence / Arrestation |
Transfert à la CPI |
Acquittement par la CPI |
Acquittement Confirmé en Appel |
Retour en Côte d’Ivoire |
Fondation du PPA-CI |
Intention de se présenter à la Présidentielle de 2025 |
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Jeunesse et Fondations Académiques
Laurent Koudou Gbagbo est né le 31 mai 1945 sous le nom de Koudou Laurent Gbagbo, dans le village de Mama, situé dans la sous-préfecture d’Ouragahio, département de Gagnoa, alors en Afrique Occidentale Française. Il est issu d’une famille catholique romaine appartenant au peuple Bété. Son père, Paul Koudou, était sergent de police et a été décoré de la médaille de reconnaissance de la Nation pour son service pendant la Seconde Guerre mondiale. Sa mère, Marguerite Gado, originaire du village bété de Blouzon, était ménagère.
Son parcours scolaire a débuté à l’école primaire publique Plateau, à Agboville, où son père exerçait sa profession. Il a obtenu son baccalauréat au lycée classique de Cocody en 1965, puis une licence d’histoire à l’université d’Abidjan en 1969. En 1970, il est devenu professeur d’histoire au lycée classique d’Abidjan. Poursuivant son cursus, il a soutenu en juin 1979 une thèse de « docteur d’université » en histoire à l’Université Paris-Diderot. Sa thèse, intitulée « Les Ressorts socio-économiques de la politique ivoirienne : 1940-1960 », analysait les dynamiques fondamentales de la politique ivoirienne durant une période cruciale de son histoire. En 1980, il a été nommé Directeur de l’Institut d’Histoire, d’Art et d’Archéologie Africaine à l’Université d’Abidjan, poste qu’il a occupé pendant deux ans.
Le parcours académique de Laurent Gbagbo en tant qu’historien, et en particulier sa thèse de doctorat axée sur les moteurs socio-économiques de la politique ivoirienne de 1940 à 1960, offre une perspective essentielle pour comprendre son idéologie politique ultérieure et ses actions. Cette formation suggère que sa politique de « refondation » et sa position anti-coloniale n’étaient pas de simples discours populistes, mais étaient probablement ancrées dans une compréhension approfondie et académique des dynamiques historiques et économiques de son pays. Un historien qui consacre sa recherche avancée aux « ressorts socio-économiques de la politique ivoirienne » à partir d’une période fondatrice développerait inévitablement des opinions fortes et éclairées sur le développement national, le contrôle des ressources et les relations post-coloniales. Cette base intellectuelle indique que sa philosophie politique ultérieure, en particulier les fondements socialistes, nationalistes et anti-coloniaux de sa politique de « refondation », était intellectuellement étayée, établissant un lien causal profond entre ses activités intellectuelles et son programme politique.
De l’Opposition au Pouvoir Politique
La carrière politique de Laurent Gbagbo a débuté par une opposition fervente à Félix Houphouët-Boigny, figure fondatrice de l’indépendance de la Côte d’Ivoire et son premier président de longue date. Cette période a été marquée par des risques personnels considérables et un engagement résolu en faveur de la réforme politique. En tant que professeur d’histoire, Gbagbo est devenu un opposant déclaré au régime d’Houphouët-Boigny.
Son activisme précoce a conduit à sa première incarcération sans procès, du 31 mars 1971 à janvier 1973, au camp militaire de Ziguela. En 1982, Gbagbo a co-fondé le Front Populaire Ivoirien (FPI) avec son épouse de l’époque, Simone Ehivet Gbagbo. Le FPI était initialement une organisation clandestine non autorisée, prônant un système multipartite et se présentant comme une alternative socialiste au régime de parti unique. Il a également participé à une grève des enseignants en 1982 en tant que membre du Syndicat National de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur.
En raison de la surveillance croissante du gouvernement, Gbagbo s’est exilé volontairement en France en 1982, d’où il a continué à organiser le FPI. Il a publié son plan de réforme politique pour la Côte d’Ivoire en 1983 et a obtenu l’asile politique officiel de la France en 1985. Avec la réintroduction du multipartisme, Gbagbo s’est présenté sans succès à la présidence contre Houphouët-Boigny en 1990. Cependant, il a remporté un siège à l’Assemblée Nationale la même année, représentant la circonscription d’Ouaragahio, sa ville natale. Il a été de nouveau arrêté le 18 février 1992, avec Simone, par le Premier ministre d’alors, Alassane Ouattara, et condamné le 6 mars 1992 à deux ans de prison. Le couple a finalement été libéré en août 1992 suite à une amnistie. Après le décès du président Houphouët-Boigny en décembre 1993, Gbagbo a continué de défendre les avancées démocratiques, plaidant pour la transparence électorale, une commission électorale indépendante et un bulletin de vote unique.
Les incarcérations répétées et l’exil de Gbagbo durant ses années d’opposition ne furent pas de simples épreuves personnelles ; elles ont activement forgé son image de dissident résilient et de martyr pour la démocratie. Cette narration a considérablement contribué à son soutien populaire et à sa légitimité lorsqu’il a finalement accédé au pouvoir, présentant sa présidence comme l’aboutissement d’une longue lutte contre l’autoritarisme. Ces expériences l’ont transformé d’un simple acteur politique en un symbole de résistance, renforçant ainsi son capital politique et son attrait auprès d’une population aspirant au changement démocratique.
La Présidence (2000-2011)
La présidence de Laurent Gbagbo, qui a duré onze ans, fut une période de profonde transformation et de conflits intenses pour la Côte d’Ivoire. Elle a été marquée par des objectifs politiques ambitieux, des défis de gouvernance significatifs et deux crises politico-militaires majeures.
Accession au Pouvoir
Laurent Gbagbo a prêté serment en tant que Président le 26 octobre 2000, à la suite d’une élection très contestée du 22 octobre. Le chef de la junte militaire, Robert Guéï, avait initialement revendiqué la victoire et tenté d’exclure d’autres personnalités politiques de la course. Cependant, des manifestations de rue généralisées de la part des citoyens ivoiriens, qui reconnaissaient l’avance significative de Gbagbo, ont forcé Guéï à fuir. Gbagbo a ensuite été installé comme président, Guéï reconnaissant finalement sa légitimité le 13 novembre 2000. Lors des élections législatives de décembre 2000, le FPI a obtenu une solide majorité, remportant 91 ou 96 sièges sur 225, offrant ainsi à Gbagbo une base parlementaire solide.
La « Refondation » et les Politiques Socio-Économiques
La politique phare de Gbagbo, la « refondation », visait à enrichir tous les Ivoiriens et à dépasser le modèle de « croissance sans développement » hérité de l’ère Houphouët-Boigny. Cette politique était profondément ancrée dans des idéologies socialistes, nationalistes et anti-coloniales, ciblant particulièrement l’influence de la France.
Une initiative sociale majeure fut la mise en place de la gratuité de l’école primaire et secondaire en décembre 2000. Cela comprenait la suppression des uniformes scolaires et des frais de scolarité pour les élèves du primaire, ainsi que la distribution de matériel scolaire aux familles démunies. Malgré les défis tels que l’extension limitée à l’ensemble du territoire et la pénurie d’enseignants, ces mesures ont contribué à augmenter les taux d’alphabétisation et d’éducation parmi les Ivoiriens.
Dans le domaine de la Recherche et Développement, Gbagbo a lancé en 2006 la création d’un « village des technologies de l’information et de la biotechnologie ». Ce projet visait à moderniser les capacités technologiques de la Côte d’Ivoire et devait créer des milliers d’emplois.
Sur le plan économique, la période d’octobre 2000 à 2009 sous Gbagbo a été caractérisée par un assainissement du cadre macroéconomique et, malgré la crise politique en cours, une « prospérité croissante et continue ». Le taux de croissance réel du PIB, bien qu’affecté temporairement par la guerre de 2002 (chute à -1,6% en 2002 et -1,7% en 2003), a rebondi à +1,6% en 2004 et atteint +3,8% en 2009. L’inflation a également diminué, passant de 2,5% en 2000 à 1% en 2009. L’administration a également adopté et commencé à mettre en œuvre un Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP).
Défis de Gouvernance et Critiques
Malgré les objectifs déclarés de la « refondation », le bilan de la gouvernance de Laurent Gbagbo est généralement perçu comme négatif. Une amplification significative de la corruption a été observée sous son mandat, notamment dans la filière café-cacao, où la libéralisation a principalement bénéficié aux « barons » et à leur entourage plutôt qu’aux producteurs. La Côte d’Ivoire serait devenue une destination privilégiée pour le blanchiment d’argent, la création de sociétés-écrans et les escroqueries. Des milliards de francs CFA auraient été détournés dans plusieurs entreprises publiques, et les pots-de-vin sont devenus monnaie courante dans les services publics ivoiriens. Des liens entre Laurent Gbagbo et le député français François Loncle auraient permis d’occulter une partie de ces pratiques de corruption.
Les infrastructures du pays ont souffert d’un grave manque d’entretien pendant le mandat de Gbagbo, entraînant la dégradation de la plupart des bâtiments appartenant à l’État. Le réseau routier s’est considérablement détérioré, avec de nombreux nids de poule et des systèmes de drainage obstrués, malgré quelques initiatives. L’insalubrité urbaine a augmenté en raison d’une très mauvaise gestion des déchets, les entreprises de nettoyage et de collecte des ordures n’étant plus régulièrement payées. Vers la fin de son mandat, le secteur de l’énergie ne parvenait plus à approvisionner le pays en électricité de manière satisfaisante, entraînant des délestages fréquents. Les services des hôpitaux publics se sont également dégradés, devenant incapables de faire face à la demande, ce qui a parfois entraîné des décès par manque de traitement. Les universités publiques ivoiriennes ont également souffert d’un état de délabrement avancé.
Crises Politico-Militaires Majeures
La présidence de Gbagbo a été profondément marquée par une série de crises politico-militaires prolongées. Une tentative de coup d’État significative le 19 septembre 2002 a dégénéré en guerre civile, entraînant de fait la partition du pays. Gbagbo est rentré en Côte d’Ivoire le 20 septembre 2002 et, malgré l’état d’urgence, a prononcé un discours conciliant, tendant la main aux putschistes tout en affirmant fermement l’illégalité du coup d’État et la légitimité de son mandat.
La crise de 2002-2007 a vu l’émergence de Guillaume Soro comme une figure clé plaidant pour le départ de Gbagbo. Une étape majeure vers la résolution de ce conflit fut l’Accord Politique de Ouagadougou, signé le 4 mars 2007, par Gbagbo, Soro et le président burkinabé Blaise Compaoré, qui a joué le rôle de facilitateur. Conformément à cet accord, Gbagbo a nommé Soro Premier ministre et a signé une mesure d’amnistie le 12 avril 2007.
Le pays a été plongé dans une grave crise post-électorale de 2010 à 2011. Suite à l’élection présidentielle de novembre 2010, la Commission Électorale Indépendante (CEI), dont les résultats ont été certifiés par les Nations Unies, a déclaré Alassane Ouattara vainqueur avec 54,1% des voix, contre 45,9% pour Gbagbo. Cependant, Gbagbo, s’appuyant sur la proclamation contradictoire du Conseil Constitutionnel, a refusé de céder le pouvoir, ce qui a conduit à une impasse de cinq mois et à des violences généralisées qui ont coûté la vie à des milliers de personnes.
Tensions Ethniques et l’ « Ivoirité »
Une critique significative de la présidence de Laurent Gbagbo concerne l’utilisation des concepts d’ethnicité et de citoyenneté, dans le but de stigmatiser les Ivoiriens du Nord ou les immigrés d’Afrique de l’Ouest. Ces personnes étaient alors considérées comme des « étrangers » dangereux par les partisans de Gbagbo, même si elles avaient passé toute leur vie en Côte d’Ivoire. Selon Human Rights Watch, Gbagbo a considérablement favorisé les groupes ethniques qui lui étaient loyaux, au détriment des autres groupes du pays.
Les universités publiques ivoiriennes sont devenues le théâtre de violences et d’exactions, notamment de la part de la Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI), transformée en milice au service du pouvoir en place et dirigée par Charles Blé Goudé. Ce dernier a encouragé des pratiques violentes, voire meurtrières, comme l’officieux « article 125 ». Professeurs, élèves et journalistes étaient de plus en plus violentés dès que le syndicat étudiant ou le pouvoir faisait l’objet de remarques ou de critiques. La tricherie, la facilité et la corruption sont devenues progressivement le mode d’admission aux examens et aux concours.
Ces politiques et actions ont exacerbé les divisions ethniques et contribué aux violences, en particulier lors des crises politico-militaires, créant un climat de méfiance et de discrimination au sein de la société ivoirienne.
Détention et Procès à la Cour Pénale Internationale (CPI)
La crise post-électorale de 2010-2011 a culminé avec l’arrestation de Laurent Gbagbo. Le 10 avril 2011, des hélicoptères de l’ONU et de la France ont tiré des roquettes sur la résidence présidentielle. Les forces spéciales françaises ont soutenu les forces loyales à Alassane Ouattara, le président internationalement reconnu, dans leur avancée sur le complexe. Gbagbo a été capturé dans le bunker sous le complexe et placé en état d’arrestation par les forces de Ouattara le 11 avril 2011. Son avocat a déclaré que les forces gouvernementales avaient pu prendre d’assaut la résidence après que les troupes françaises eurent dynamité un mur, ouvrant un tunnel d’évasion.
Gbagbo a été transféré à la Cour Pénale Internationale (CPI) à La Haye le 29 novembre 2011. Il est devenu le premier ancien chef d’État à être transféré devant la CPI depuis sa création en 2002. Le mandat d’arrêt à son encontre, délivré sous scellés le 23 novembre 2011, l’accusait de quatre chefs de crimes contre l’humanité : meurtre, viol et autres formes de violence sexuelle, persécution et autres actes inhumains, prétendument commis entre le 16 décembre 2010 et le 12 avril 2011.
Le procès de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé, son ancien chef des jeunes patriotes, a été joint et s’est ouvert le 28 janvier 2016. Le 15 janvier 2019, la Chambre de première instance I de la CPI a acquitté Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé de toutes les charges. La Chambre a conclu, à la majorité, que le Procureur n’avait pas démontré plusieurs éléments essentiels constitutifs des crimes reprochés, y compris l’existence d’un « plan commun » visant à maintenir Gbagbo au pouvoir par la commission de crimes contre des civils, ni l’existence de schémas de violence permettant de déduire une politique d’attaque contre la population civile. La Chambre a également jugé que les discours publics de Gbagbo ou de Blé Goudé n’avaient pas démontré qu’ils avaient ordonné, sollicité ou encouragé les crimes allégués.
Le Procureur a interjeté appel de cette décision le 16 septembre 2019. Pendant la phase d’appel, Gbagbo a été libéré sous conditions et accueilli en Belgique. Le 31 mars 2021, la Chambre d’appel de la CPI a confirmé, à la majorité, la décision d’acquittement, rendant l’acquittement de Gbagbo et Blé Goudé définitif et révoquant toutes les conditions de leur mise en liberté.
Retour en Côte d’Ivoire et Activités Politiques Actuelles
Après dix ans d’absence du pays, Laurent Gbagbo est rentré en Côte d’Ivoire le 17 juin 2021. Ce retour s’est inscrit dans un contexte de « réconciliation nationale », le président Alassane Ouattara ayant donné son feu vert et assuré que Gbagbo bénéficierait des avantages dus aux anciens présidents, y compris la fourniture de passeports ordinaire et diplomatique.
Suite à son retour, Laurent Gbagbo a quitté le Front Populaire Ivoirien (FPI) en raison de tensions internes au sein du parti. En octobre 2021, il a fondé un nouveau parti politique, le Parti des Peuples Africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI), dont il est le président. Le PPA-CI se positionne sur des idées « socialistes, panafricanistes et souverainistes ».
Laurent Gbagbo a annoncé son intention de se présenter à l’élection présidentielle de 2025. Cependant, il est actuellement inéligible et radié des listes électorales en raison d’une condamnation nationale pour des faits liés à la crise post-électorale de 2010-2011, malgré son acquittement par la CPI. Bien qu’il ait été gracié par le président Ouattara en 2022 dans l’affaire de la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), cette grâce n’a pas effacé la condamnation, ce qui l’empêche de se présenter conformément à la loi électorale. Le PPA-CI considère cette inéligibilité comme une décision politique. Gbagbo a déposé un recours en juin 2023 pour obtenir sa réinscription sur les listes électorales, affirmant sa volonté de se battre pour retrouver son éligibilité. Il a également plaidé pour que le scrutin de 2025 soit organisé de manière « juste » et « dans la paix ».
Héritage et Perspectives
L’héritage politique de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire est complexe et sujet à diverses interprétations. D’une part, il est reconnu pour son rôle d’opposant historique au régime de Félix Houphouët-Boigny, luttant pour le multipartisme et la démocratie dans un contexte de parti unique. Ses années de militantisme et ses incarcérations ont forgé son image de figure de la résistance, ce qui a sans doute contribué à sa légitimité et à son soutien populaire lors de son accession au pouvoir. Sa politique de « refondation » visait à une répartition plus équitable de la richesse et à un développement inclusif, avec des initiatives notables comme la gratuité de l’école primaire et secondaire, qui a contribué à l’augmentation des taux d’alphabétisation. Sur le plan économique, des efforts d’assainissement macroéconomique ont été observés, et le pays a connu une croissance du PIB malgré la crise politique, avec une inflation maîtrisée. Le projet de « village des technologies » témoigne également d’une vision de modernisation.
D’autre part, son mandat a été entaché par des critiques sévères, notamment l’amplification de la corruption, la dégradation des infrastructures et des services publics (hôpitaux, universités). Les crises politico-militaires de 2002-2007 et 2010-2011 ont profondément divisé le pays, faisant des milliers de victimes et déplaçant des populations. L’utilisation des concepts d’ethnicité et de « l’ivoirité » est également pointée du doigt pour avoir stigmatisé des communautés et exacerbé les tensions.
Son acquittement définitif par la CPI en 2021 a marqué un tournant majeur, lui permettant de revenir en Côte d’Ivoire et de relancer sa carrière politique. La création du PPA-CI et son ambition de se présenter à l’élection présidentielle de 2025, malgré son inéligibilité actuelle, démontrent sa persistance et sa volonté de continuer à jouer un rôle central. Son retour est perçu comme une nouvelle opportunité pour la réconciliation nationale, un processus essentiel pour la stabilité future de la Côte d’Ivoire. Cependant, les défis liés à la réconciliation, à la justice et à la gouvernance restent prégnants, et la capacité de Gbagbo à influencer positivement ces dynamiques sera cruciale pour les perspectives politiques du pays. Son rôle futur sera observé avec attention, notamment sa capacité à œuvrer pour l’apaisement et l’unité dans un paysage politique ivoirien encore marqué par les séquelles des crises passées.