
Introduction : Le « Vieux » et son héritage durable
Félix Houphouët-Boigny (1905-1993), souvent désigné avec affection sous le nom de « Le Vieux », fut une figure politique majeure du XXe siècle en Afrique. Il a été le premier Président de la République de Côte d’Ivoire, dirigeant le pays de son indépendance en 1960 jusqu’à son décès en 1993, ce qui en fait l’un des chefs d’État africains ayant eu la plus longue longévité au pouvoir. Son règne de près de 33 ans fut caractérisé par une combinaison complexe de prospérité économique, de stabilité politique et de liens étroits, souvent controversés, avec la France. Il est largement reconnu comme un père fondateur de la Côte d’Ivoire moderne et un acteur central dans le processus de décolonisation de l’Afrique.
Le leadership d’Houphouët-Boigny a été déterminant dans l’orientation de la trajectoire post-coloniale de la Côte d’Ivoire, une période souvent désignée comme le « miracle ivoirien » en raison de sa croissance économique soutenue. Au-delà des frontières nationales, il a exercé une influence considérable dans toute l’Afrique francophone, agissant comme un interlocuteur clé entre les nations africaines et la France, et s’engageant dans des manœuvres politiques régionales.
Son héritage demeure un sujet de débat intense, oscillant entre la reconnaissance de ses réalisations en matière de stabilité et de développement économique, et les critiques concernant son autoritarisme, le système de la « Françafrique », et les germes d’instabilité post-mortem. La période de stabilité sous Félix Houphouët-Boigny, bien que remarquablement longue et souvent citée comme un succès, reposait fortement sur son autorité personnelle et son contrôle centralisé du pouvoir. Cette dépendance à l’égard d’une figure unique a eu une conséquence notable : à son décès en 1993, la Côte d’Ivoire a connu une détérioration rapide et sévère de ses conditions, marquée par des coups d’État, une récession économique et le début d’une guerre civile en 2002. Ce contraste frappant entre la stabilité de son vivant et les troubles qui ont suivi sa disparition suggère que la paix et la prospérité qu’il a maintenues étaient intrinsèquement liées à sa personne, plutôt qu’à des institutions démocratiques solides ou à un cadre de succession clairement établi et accepté. Son règne prolongé, s’il a évité des conflits immédiats, a pu involontairement freiner le développement d’institutions politiques résilientes et d’une culture de transfert pacifique du pouvoir, laissant ainsi un vide qui a favorisé l’instabilité.
I. Jeunesse, éducation et influences formatrices
Félix Houphouët-Boigny est officiellement né le 18 octobre 1905 à N’Gokro (Yamoussoukro), en Côte d’Ivoire, bien que certaines sources non officielles suggèrent qu’il pourrait être né jusqu’à sept ans plus tôt. Né Dia Houphouët au sein de la tribu Akouès, il appartenait à une famille aisée de chefs héréditaires Baoulés à Yamoussoukro. Son prénom, Dia, signifie « prophète » ou « magicien ». Son père était N’Doli Houphouët, et sa mère Kimou N’Dri (également connue sous le nom de N’Dri Kan), décédée en 1936. Il avait deux sœurs aînées et un frère cadet. Par sa mère, il était le petit-neveu de la reine Yamousso et du chef de village Kouassi N’Go. Après l’assassinat de N’Go en 1910, Dia fut désigné pour lui succéder en tant que chef, mais son beau-père, Gbro Diby, exerça la régence en raison de son jeune âge. Il assuma finalement la position de chef de canton de son clan en décembre 1940, après avoir initialement refusé ce poste en 1932. En 1940, il hérita également d’une vaste étendue de terre, renforçant ainsi son statut de riche planteur.
L’administration coloniale française, reconnaissant son futur rôle de leader, a organisé sa scolarité au poste militaire de Bonzi, puis à l’école primaire supérieure de Bingerville. En 1915, à Bingerville, il se convertit au christianisme, choisissant le nom de Félix, qu’il considérait comme une religion moderne et un obstacle à la propagation de l’islam. Il excella dans ses études, intégrant l’École normale supérieure William Ponty en 1919, où il obtint un diplôme d’enseignement. Par la suite, il fréquenta l’École de médecine de l’AOF au Sénégal français, où il fut major de sa promotion en 1925 et obtint le titre d’assistant médical. Il exerça en tant que médecin dans divers postes en Côte d’Ivoire jusqu’en 1940.
En tant que planteur le plus riche de Côte d’Ivoire, il était l’Ivoirien le plus fortuné. Son expérience personnelle en tant que fils d’un agriculteur aisé confronté aux obstacles du colonialisme – discrimination, travail forcé et taxation sans représentation – a profondément influencé son éveil politique. Avant même d’assumer officiellement sa chefferie, il commença à organiser les planteurs africains de cacao et de café à Abengourou en 1933. En sa qualité de chef et de médecin réputé, il organisa l’Association des chefs traditionnels, visant à prévenir l’érosion des pouvoirs, du prestige et du statut social des chefs africains sous le régime colonial.
La puissance de Félix Houphouët-Boigny reposait sur une combinaison unique d’autorité traditionnelle et d’éducation coloniale. Il est né et a hérité d’une position au sein d’une famille de chefs héréditaires Baoulés. Cela lui conférait une légitimité traditionnelle intrinsèque et une compréhension approfondie des structures sociétales locales et des griefs. Parallèlement, il a bénéficié d’une éducation française de haut niveau, couronnée par un diplôme médical. Devenir assistant médical représentait alors la plus haute réalisation professionnelle qu’un Africain pouvait généralement atteindre sous le système colonial, lui conférant prestige, une vision moderne et une compréhension du fonctionnement de l’administration coloniale. De plus, son statut de riche planteur lui assurait une indépendance économique et un lien direct avec les difficultés économiques de la population africaine sous l’exploitation coloniale. Cette combinaison singulière de pouvoir traditionnel, d’éducation moderne et de richesse économique le positionnait comme un leader exceptionnellement redoutable et légitime. Contrairement à de nombreux autres nationalistes africains qui auraient pu s’appuyer sur une seule source de pouvoir, Houphouët-Boigny a su établir des ponts entre plusieurs mondes. Cette fondation multifacette lui a permis de mobiliser efficacement les chefs traditionnels et les agriculteurs modernes, de négocier avec les autorités coloniales depuis une position de force, et finalement de rallier un large soutien parmi les diverses couches de la société ivoirienne. Cela explique son succès précoce dans l’organisation du SAA, puis du RDA, car il pouvait s’adresser aux intérêts de groupes variés dans le contexte colonial et les représenter.
II. De l’activiste colonial au ministre français : le chemin vers l’indépendance
En 1944, motivé par sa préoccupation pour les agriculteurs confrontés à la discrimination coloniale, au travail forcé et à la taxation, Houphouët-Boigny fonda le Syndicat Agricole Africain (SAA). Cette organisation était explicitement anticolonialiste et antiraciste, sa principale revendication étant l’abolition du travail forcé. Le 9 avril 1946, avec l’aide stratégique de groupes d’études communistes à Abidjan, il transforma le SAA en Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI). Le PDCI devint par la suite une section territoriale du nouveau parti inter-africain, le Rassemblement Démocratique Africain (RDA), fondé lors du Congrès de Bamako le 18 octobre 1946. Houphouët-Boigny en devint le président.
Une réalisation marquante de ses débuts en politique fut l’adoption de la « Loi Houphouët-Boigny » le 11 avril 1946, qui abolit officiellement le travail forcé dans les territoires français d’outre-mer. En tant que député nouvellement élu à l’Assemblée nationale française et membre de la Commission des territoires d’outre-mer, Houphouët-Boigny travailla avec acharnement pour mettre en œuvre les principales revendications du SAA. Cette loi représenta une victoire cruciale dans la lutte plus large contre les pratiques coloniales abusives.
Il fut élu pour la première fois à l’Assemblée nationale française en 1946 et réélu sans difficulté après l’adoption de la constitution de la Quatrième République. Il siégea comme député de la Côte d’Ivoire de 1946 à 1958. Il fut un membre actif de commissions parlementaires clés, notamment la Commission des territoires d’outre-mer (dont il fut secrétaire en 1947 et 1948) et la Commission du règlement et du suffrage universel. Durant cette période, il défendit diverses réformes, dont l’unification de la réglementation du travail dans les territoires africains (réalisée en 1952) et une réforme globale du système de santé dans les territoires d’outre-mer. Il insista également à plusieurs reprises sur la création d’assemblées locales en Afrique pour faciliter l’apprentissage de l’autonomie et de l’autogestion par les populations autochtones.
L’influence d’Houphouët-Boigny grandit au sein de l’establishment politique français, le conduisant à être nommé à plusieurs postes ministériels :
- Ministre délégué à la Présidence du Conseil (1er février 1956 – 13 juin 1957) dans le gouvernement Guy Mollet. Cette nomination fut historiquement significative, marquant la première fois qu’un élu africain occupait un poste aussi éminent au sein d’un gouvernement français.
- Ministre d’État dans divers gouvernements (13 juin 1957 – 17 mai 1958 ; 1er juin 1958 – 20 mai 1959).
- Ministre de la Santé publique et de la Population (6 novembre 1957 – 15 avril 1958).
- Ministre-conseiller du gouvernement Michel Debré (23 juillet 1959 – 19 mai 1961).
Dans ses rôles ministériels, il travailla notamment à la création d’une organisation commune des régions sahariennes, qu’il présenta comme un moyen de « valoriser un patrimoine commun à l’Afrique et à la France » et d’assurer l’indépendance énergétique de l’Union française, tout en contrecarrant les revendications territoriales marocaines. Il affirmait constamment que l’indépendance politique était insuffisante sans une indépendance économique concomitante.
Initialement, Houphouët-Boigny et le RDA étaient perçus comme ayant des liens étroits avec le Parti Communiste Français (PCF), une connexion qui entraîna des difficultés politiques importantes, y compris de graves incidents et des décès en Côte d’Ivoire entre janvier 1949 et février 1950. Cette période poussa « l’Afrique noire au bord du gouffre ». Reconnaissant cette « impasse » politique , Houphouët-Boigny engagea des négociations secrètes avec le gouvernement français. L’objectif principal était de détacher le RDA du PCF et de lui permettre d’opérer dans le cadre de l’Union française. Il justifia ce virage stratégique en déclarant son désir de supprimer le « prétexte communiste » qui pouvait être utilisé pour justifier des politiques coloniales rétrogrades. En octobre 1950, le RDA annonça officiellement sa rupture avec le groupe communiste. Ce réalignement essentiel transforma son image, lui permettant d’être perçu comme un leader modéré pouvant servir de modèle pour d’autres territoires africains, y compris l’Algérie. Sa popularité était indéniable : sa liste RDA remporta une victoire écrasante aux élections de 1956, obtenant 502 711 voix sur 579 550 suffrages exprimés. Il soutint constamment tout gouvernement français qui contribuait à améliorer la situation politique, économique et sociale des territoires d’outre-mer. La Loi-cadre Defferre, qui accordait une autonomie significative aux Territoires d’Outre-Mer (TOM), portait notamment la marque de l’influence de Félix Houphouët-Boigny.
La trajectoire politique de Félix Houphouët-Boigny se caractérise par une évolution stratégique pragmatique, passant d’une posture perçue comme radicale à une approche plus modérée pour maximiser son influence. Ses premiers engagements politiques, notamment la création du SAA et du RDA, impliquaient des alliances avec des groupes communistes, ce qui lui valut d’être qualifié de « radical » par les autorités françaises. Cependant, il opéra un pivot stratégique majeur en rompant avec le Parti Communiste Français (PCF) et en s’alignant sur des forces politiques françaises plus modérées. Ce changement était une réponse à une « impasse » perçue, et il lui permit d’accéder aux plus hautes sphères du gouvernement français, où il occupa des postes ministériels. Cette nouvelle orientation lui permit d’obtenir des succès législatifs concrets, le plus notable étant l’abolition du travail forcé grâce à la « Loi Houphouët-Boigny », et d’influencer des politiques de décolonisation clés, telles que la Loi-cadre Defferre, depuis l’intérieur du système français. Cette démarche témoigne d’une stratégie politique hautement pragmatique et adaptable. Houphouët-Boigny comprit qu’une confrontation ouverte, surtout sous l’étiquette stigmatisante de « communiste », était contre-productive pour atteindre ses objectifs d’émancipation africaine. En adoptant une position plus modérée et coopérative et en participant directement au gouvernement français, il acquit un levier sans précédent. Il fut ainsi capable de mettre en œuvre des réformes significatives et de guider la Côte d’Ivoire vers l’indépendance par une voie moins conflictuelle, mais extrêmement efficace. Cela souligne son talent exceptionnel en tant qu’opérateur politique, capable de flexibilité stratégique pour maximiser son influence et obtenir des résultats concrets, une caractéristique qui allait définir sa longue présidence.
Malgré sa préférence initiale pour une coopération continue avec la France, et même son plaidoyer en faveur d’une véritable fédération, ainsi que son appréhension face à la « balkanisation » de l’Afrique et à la pauvreté potentielle , l’élan vers l’indépendance totale devint irrésistible. Il ne put finalement s’opposer à cette puissante marée historique. En conséquence, il proclama l’indépendance de la Côte d’Ivoire le 7 août 1960 et en devint le premier président. Il fut ensuite réélu sept fois, conservant le pouvoir jusqu’à son décès en 1993.
III. Le « miracle ivoirien » : politiques intérieures et développement socio-économique
La philosophie économique d’Houphouët-Boigny, souvent désignée sous le terme d’« Houphouétisme », accordait une priorité absolue au développement économique et à la stabilité, partant du principe que l’indépendance politique restait incomplète sans une base économique solide. Sa doctrine économique, exposée le 15 janvier 1962, constituait essentiellement une redéfinition et une adaptation de la « vocation » coloniale de la Côte d’Ivoire aux réalités contemporaines. Son objectif était d’élever le niveau de vie général et de réduire les inégalités sociales, en visant à ce que les citoyens ivoiriens atteignent un statut comparable à celui des habitants des pays les plus développés. Il mettait l’accent sur l’autonomie et le devoir collectif de chaque citoyen de contribuer au développement national, affirmant que la politique du gouvernement ne visait pas à offrir une vie facile à une minorité privilégiée, mais à assurer un meilleur bien-être à l’ensemble des citoyens.
La mise en œuvre de cette vision impliquait cependant des sacrifices importants. Par exemple, la construction d’écoles pouvait être retardée au profit de l’augmentation de la production, une décision qui fut par la suite identifiée comme une cause profonde des défis du système éducatif. Il prônait également une société où « le travail serait libre, mais il n’y aurait pas de place pour les oisifs ou les parasites ». Une pierre angulaire de sa politique fut l’attraction active de capitaux étrangers, facilitée par un code des investissements offrant des garanties et d’importantes exonérations fiscales. Des critiques soutiennent que cette approche, tout en favorisant la croissance, a involontairement renforcé la position dominante des intérêts étrangers, notamment français, reflétant une « amnésie totale du passé colonial » et un abandon du contrôle national sur le processus économique.
La Côte d’Ivoire disposait d’un potentiel agricole diversifié, avec une zone forestière au sud très favorable aux cultures de rente telles que le café, le cacao et la banane, et des régions de savane au nord propices aux cultures vivrières et à l’élevage. Sous Houphouët-Boigny, la Côte d’Ivoire devint l’un des principaux producteurs mondiaux de cacao et de café. Cette augmentation de la production fut principalement obtenue par l’expansion extensive des zones cultivées et l’utilisation de main-d’œuvre salariée étrangère, plutôt que par une modernisation significative des méthodes de culture. Le « miracle ivoirien » accorda également une forte importance à l’industrialisation, ce qui, en pratique, conduisit à une appropriation croissante du revenu national par les entrepreneurs français opérant en Côte d’Ivoire.
Le gouvernement d’Houphouët-Boigny a activement recherché les capitaux étrangers, offrant des facilités d’installation généreuses et un code des investissements qui prévoyait des garanties substantielles et des exonérations fiscales pour les « entreprises prioritaires », parfois pour une durée allant jusqu’à 25 ans. Cette politique a réussi à attirer des investissements étrangers significatifs, contribuant à la période largement connue sous le nom de « miracle ivoirien ».
Indicateur Économique | Valeur (1960) | Valeur (1970) | Valeur (1980) | Autres Données Clés |
Produit Intérieur Brut (PIB) | 570 M $ | N/A | 7 030 M $ | |
Revenu par habitant | N/A | N/A | 1 150 $ | |
Nombre d’entreprises industrielles | N/A | N/A | 619+ | Chiffre d’affaires de 650 milliards de francs CFA, 67 443 emplois, 75,2 milliards de francs CFA de salaires |
Dette nationale | N/A | 256 M $ | 4 265 M $ | Représente 41,9% du PIB en 1980 (contre 18,3% en 1970) |
Service de la dette extérieure (% des exportations) | N/A | 6,8% | 23,9% | |
Superficie forestière | 9,8 M ha (1956) | 6,3 M ha (1970) | N/A | Perte irréparable de 250 000 à 290 000 ha/an |
Part des étrangers dans le revenu national | N/A | N/A | N/A | 60% en 1973 (pour ~4% de la population totale) |
Flux net de ressources (Positif/Négatif) | N/A | N/A | N/A | Négatif de 25,2 milliards de francs CFA en 1965 (contre un flux positif de 15,4 milliards) |
Déficit de la balance des paiements | N/A | 37 M $ | 1 742 M $ |
Malgré les chiffres impressionnants, des critiques comme l’économiste Samir Amin ont soutenu que ce modèle représentait une « croissance sans développement », c’est-à-dire une croissance générée et soutenue de l’extérieur, sans favoriser un potentiel ivoirien véritablement autonome et auto-entretenu. Les données indiquent qu’une quantité moindre de capitaux entrait en Côte d’Ivoire par rapport à ce qui en sortait sous diverses formes, telles que les bénéfices des entreprises, les salaires des expatriés, le remboursement de la dette extérieure, le financement de la consommation de luxe et les fortunes personnelles placées à l’étranger. En 1965, le flux négatif de ressources échappant à l’accumulation s’élevait à 25,2 milliards de francs CFA, dépassant significativement le flux positif de 15,4 milliards. Le déficit de la balance des paiements s’est considérablement aggravé, passant de 37 millions de dollars en 1970 à 1 742 millions de dollars en 1980. En 1973, les étrangers, qui ne représentaient qu’environ 4 % de la population totale, s’appropriaient une part disproportionnée de 60 % du revenu national. Le modèle économique a transformé l’économie ivoirienne en une « pompe financière » efficace pour les prêteurs mais de plus en plus périlleuse pour le pays lui-même, conduisant à une accumulation massive de la dette nationale. La dette nationale est passée de 256 millions de dollars en 1970 à plus de 4 265 millions de dollars en 1980, représentant 41,9 % du PIB. Le « miracle » fut également soutenu par une exploitation forestière intensive, entraînant une réduction drastique et irréparable de la superficie forestière ivoirienne, passée de 9,8 millions d’hectares en 1956 à 6,3 millions en 1970.
La politique sociale d’Houphouët-Boigny visait fondamentalement à construire la Nation ivoirienne et à améliorer les conditions de vie de ses citoyens. Il considérait ces deux objectifs comme intrinsèquement liés, le développement économique servant de fondement à l’amélioration du niveau de vie, et l’unité nationale et la mobilisation étant essentielles pour le progrès économique. Les principaux domaines ciblés pour l’amélioration du niveau de vie individuel comprenaient l’éducation nationale, la santé publique et l’habitat. Son gouvernement a créé d’importantes institutions éducatives, telles que l’Université Félix Houphouët-Boigny, qui a évolué à partir d’institutions fondées par les Français et est devenue une université nationale majeure. Cependant, la décision stratégique de privilégier la production au détriment de la construction immédiate d’écoles dans certains cas est citée comme un facteur contribuant aux crises ultérieures au sein du système éducatif ivoirien.
En 1974, le président Houphouët-Boigny effectua une tournée significative dans le Nord de la Côte d’Ivoire, où il constata des niveaux alarmants de sous-développement et reconnut les dangers politiques associés dans les villes de la région. En réponse, un « programme d’urgence » (1974-1980) fut lancé pour remédier aux disparités régionales sévères et stimuler le développement du Nord, une zone de savane qui était restée largement marginalisée des bénéfices du « miracle ivoirien ». Ce programme visait à construire de nouvelles infrastructures administratives, à améliorer le bien-être socio-économique et à résoudre des problèmes critiques liés à l’accès à l’eau, à l’électricité, à des écoles adéquates et à des routes améliorées. Des actions concrètes comprenaient la construction de routes, de ponts, de centres de santé, d’écoles, d’installations de formation professionnelle et de barrages. Des efforts substantiels furent déployés pour assurer l’accès à l’eau potable et à l’électricité, qui faisaient cruellement défaut. La revalorisation agricole fut un axe majeur, notamment pour le coton, le riz, le maraîchage et l’élevage. La création de complexes agro-industriels dans la région généra de nombreux emplois et stimula le commerce local. Le programme d’urgence est crédité d’avoir initié une « révolution économique » dans le Nord, établissant un nouveau pôle de production, améliorant considérablement la connectivité entre les villes du Nord et avec Abidjan, et améliorant de manière démontrable les conditions de vie, les opportunités d’emploi et les revenus des populations locales.
Le « miracle ivoirien », avec ses politiques économiques, a été une arme à double tranchant, générant une croissance économique significative au prix d’une dépendance structurelle et de tensions sociales futures. Les chiffres macroéconomiques, tels que la croissance substantielle du PIB et l’augmentation du revenu par habitant, témoignaient d’une période d’expansion économique notable. Cependant, cette croissance reposait fortement sur l’attraction d’investissements étrangers, facilitée par des incitations et garanties généreuses, et bénéficiait de manière disproportionnée aux entreprises étrangères. Des critiques ont souligné qu’une grande partie du revenu national était accaparée par des entités étrangères, et que plus de capitaux quittaient le pays qu’ils n’y entraient. L’expansion agricole, bien que moteur de croissance, s’est réalisée par l’extension des surfaces cultivées et le recours à la main-d’œuvre immigrée plutôt que par une modernisation des méthodes, entraînant une croissance extensive et une déforestation sévère. Cette approche a conduit à un endettement national massif et à une détérioration significative de la balance des paiements. Sur le plan social, la dépendance à l’égard de la main-d’œuvre immigrée, bien que bénéfique économiquement, a contribué à l’exode rural, au chômage urbain et, plus tard, a alimenté la xénophobie, comme en témoignent le projet abandonné de double nationalité et le concept d’« ivoirité ». Le « miracle ivoirien », malgré ses succès apparents à court terme, était fondamentalement une « croissance sans développement ». Il a créé de profondes dépendances structurelles vis-à-vis des capitaux et de l’expertise étrangers, a conduit à une exploitation non durable des ressources et a exacerbé les inégalités sociales et économiques sous-jacentes. Cette approche, bien que semblant réussie pendant le mandat d’Houphouët-Boigny, a en réalité hypothéqué la stabilité future en ne construisant pas de structures économiques auto-suffisantes et en créant des tensions sociales qui allaient éclater après sa mort. Le « miracle » peut donc être perçu comme ayant semé les graines de la vulnérabilité économique et des troubles sociaux ultérieurs.
IV. Diplomatie et influence : politique étrangère et relations africaines
Félix Houphouët-Boigny a entretenu des liens exceptionnellement étroits et durables avec la France tout au long de sa carrière politique, étant souvent caractérisé comme « l’homme de la France en Afrique ». Son admiration profonde pour la civilisation et les traditions françaises était un aspect publiquement reconnu de sa personnalité. Cette relation était symbiotique : la France fournissait un soutien crucial à son régime et un appui international, tandis qu’Houphouët-Boigny, en retour, défendait avec diligence les intérêts français sur le continent africain. Son influence significative s’étendait directement à la politique française envers l’Afrique francophone, en grande partie grâce aux investissements privés français substantiels en Côte d’Ivoire. Sa présidence est inextricablement liée au concept de « Françafrique », un système caractérisé par des relations personnelles étroites (notamment avec Jacques Foccart, qui l’aurait appelé « Big Boss »), une influence secrète et des services de renseignement français surveillant activement ses opposants politiques. Malgré ses avantages perçus, cette relation étroite fut une source constante de controverse, soulevant des questions fondamentales sur la véritable souveraineté et indépendance de la Côte d’Ivoire.
Houphouët-Boigny fut une figure éminente des mouvements panafricains, notamment en tant que président de longue date du Rassemblement Démocratique Africain (RDA), conçu comme un vaste mouvement politique panafricain. Cependant, son approche des regroupements régionaux fut souvent critiquée ; il était perçu comme cherchant une « hégémonie » ivoirienne, n’envisageant des blocs régionaux qu’avec des pays réduits à une sorte de « vassalisation » et liés par des liens très lâches. Il se réjouissait ouvertement de sa position prééminente dans le « pré carré » francophone. Il était largement considéré comme un « sage », un « parrain » et le « doyen » de l’Afrique francophone, reflétant sa stature et son influence parmi ses pairs. Il était connu pour son « intérêt intense à s’immiscer dans les affaires d’autres pays » et fut décrit comme un « maître manipulateur et déstabilisateur, mais si discret qu’il était pratiquement invisible ». Il était également réputé pour fournir une aide financière aux dirigeants voisins et, en Côte d’Ivoire, pour « acheter la paix sociale avec de l’argent ».
Les interventions de Félix Houphouët-Boigny dans les conflits régionaux illustrent son rôle de « maître manipulateur », exerçant une hégémonie régionale discrète par le biais de procurations et de leviers économiques. Il est explicitement décrit comme un « maître manipulateur et déstabilisateur » qui opérait de manière « discrète » et « pratiquement invisible ». Cela indique une stratégie délibérée d’influence indirecte plutôt qu’une projection de puissance militaire ostentatoire.
- Angola : Houphouët-Boigny joua un rôle significatif, bien que largement secret, dans la guerre civile angolaise. Il soutint activement le chef rebelle Jonas Savimbi (UNITA) contre le gouvernement du MPLA, malgré la reconnaissance du MPLA par la plupart des autres nations africaines. Il facilita les services de blanchiment d’argent pour les diamants extraits par l’UNITA et réussit même à influencer la politique américaine concernant les négociations de paix angolaises.
- Burkina Faso : Compte tenu de la forte dépendance de la Côte d’Ivoire à l’égard de la main-d’œuvre immigrée du Burkina Faso, Houphouët-Boigny jugea crucial de maintenir un gouvernement amical et stable chez son voisin du nord. Il intervint subtilement en 1983, finançant un coup d’État qui porta Thomas Sankara et Blaise Compaoré au pouvoir. Si Sankara se révéla être un « révolutionnaire impétueux », Compaoré devint par la suite un leader pragmatique qui travailla en étroite collaboration avec Houphouët-Boigny. Cependant, cette intervention est controversée et est citée comme ayant « semé les graines de la guerre civile de Côte d’Ivoire, qui commença en 1999, cinq ans après sa mort, et dura douze années agonisantes ».
- Libéria : Sa dernière intervention étrangère eut lieu au Libéria voisin. Il promut et finança activement une insurrection menée par Charles Taylor, visant à renverser le président Samuel Doe, qui avait assassiné l’ami proche d’Houphouët-Boigny, le président William R. Tolbert. Malgré ses dénégations, les forces de sécurité ivoiriennes furent essentielles au transport d’armes libyennes via la Côte d’Ivoire vers les forces de Taylor.
Ces actions, souvent non reconnues publiquement par lui, montrent qu’il s’est engagé dans des interventions significatives dans des pays voisins, en soutenant des factions ou des dirigeants spécifiques par le biais d’aide financière, de transport d’armes ou de soutien politique. Son influence régionale était profondément liée à la puissance économique de la Côte d’Ivoire et à sa dépendance à l’égard de la main-d’œuvre immigrée des États voisins. Cela créait un levier, car la stabilité de ces pays fournisseurs de main-d’œuvre était cruciale pour l’économie ivoirienne. Sa résistance à la dévaluation du franc CFA démontre son contrôle sur un levier économique clé qui bénéficiait à la fois aux intérêts commerciaux français et à certaines élites ivoiriennes, renforçant ainsi son influence au sein du système de la « Françafrique ». La politique étrangère d’Houphouët-Boigny allait donc bien au-delà de la diplomatie traditionnelle. Il poursuivait activement une stratégie d’hégémonie régionale occulte, utilisant l’influence économique, le soutien financier et les interventions par procuration pour façonner le paysage politique de l’Afrique de l’Ouest et centrale. Cette manipulation « invisible » lui permit d’assurer les intérêts de la Côte d’Ivoire (par exemple, un approvisionnement stable en main-d’œuvre, une prééminence régionale) et de s’aligner sur les objectifs français, tout en conservant une image publique de « sage » ou de « doyen ». Cette approche sophistiquée, mais controversée, de la projection de puissance met en lumière un aspect unique du leadership africain post-colonial, où les réseaux informels et l’influence indirecte étaient aussi puissants que les relations formelles d’État à État.
V. Un héritage complexe : critiques, succession et instabilité post-mortem
Bien que son règne ait apporté la stabilité, la longue période de pouvoir d’Houphouët-Boigny fut constamment critiquée pour son caractère autoritaire et la suppression de l’opposition politique. Il était décrit comme fondamentalement conservateur, avec une profonde aversion au changement, combattant activement tout ce qui remettait en question sa vision « passéiste ». Le « mythe qu’il incarnait avait été passablement ébréché par l’irruption de la démocratie dans son pays » vers la fin de son règne. Son régime fut accusé de corruption, d’arrogance, de menaces, de favoritisme, d’enrichissement rapide et de recours à la terreur, notamment par le biais d’organisations comme la FESCI. Il aurait maintenu son pouvoir en partie grâce à la surveillance de ses opposants, facilitée par les services de renseignement français, soulignant les aspects sombres de son règne.
La question de l’« ivoirité » est apparue comme un discours politique profondément clivant dans la lutte intense pour la succession après sa mort. Cette rhétorique ultranationaliste et exclusiviste visait à définir qui était « véritablement » Ivoirien, marginalisant et ciblant souvent ceux perçus comme des étrangers, en particulier les immigrants des pays voisins qui avaient longtemps contribué à l’économie ivoirienne. Il est important de noter qu’Houphouët-Boigny lui-même avait tenté un projet de double nationalité en 1963, qui visait à diluer la population ivoirienne et potentiellement à affaiblir les organisations de travailleurs. Cette initiative, cependant, rencontra une forte opposition populaire et fut finalement abandonnée. Cet épisode antérieur préfigurait les tensions profondes autour de la nationalité qui allaient éclater plus tard dans la crise de l’« ivoirité ». La forte dépendance à l’égard de la main-d’œuvre immigrée pendant le « miracle ivoirien » avait créé un défi politique interne significatif, car accorder des droits politiques complets à ces résidents de longue date aurait transformé radicalement l’équilibre politique de la nation et potentiellement sapé la domination traditionnelle de l’élite Baoulé.
Malgré son long règne, Houphouët-Boigny échoua notablement à établir un mécanisme clair et fluide de transfert du pouvoir. Il était connu pour avoir fait des promesses de succession à « au moins dix politiciens travaillant dans son gouvernement », créant un enchevêtrement d’attentes non satisfaites et de rivalités. Son décès en 1993 déclencha directement une lutte ouverte et féroce pour la succession politique. Cette lutte, exacerbée par les questions ethno-nationalistes soulevées par l’« ivoirité », conduisit au boycott des élections de 1995 par les principaux partis d’opposition et culmina finalement par une guerre civile dévastatrice qui débuta en 2002. De plus, ses interventions de politique étrangère, telles que son rôle dans l’arrivée au pouvoir de Blaise Compaoré au Burkina Faso, sont rétrospectivement considérées par certains comme ayant « semé les graines de la guerre civile de Côte d’Ivoire, qui commença en 1999, cinq ans après sa mort, et dura douze années agonisantes ».
Vers la fin de sa vie, Houphouët-Boigny exprima explicitement son désir que son héritage soit celui de la « paix et de la stabilité » pour la Côte d’Ivoire. Il est d’ailleurs rappelé par de nombreux Ivoiriens comme un « apôtre de la paix ». Les dirigeants ivoiriens actuels, tels que le président Alassane Ouattara, continuent d’invoquer ses idéaux de tolérance, de dialogue et de paix. Cependant, la dure réalité qui suivit son décès fut celle d’une détérioration politique rapide, incluant de multiples coups d’État, la dévaluation du franc CFA, une récession économique et une guerre civile prolongée. Cette instabilité post-mortem dramatique contraste fortement avec sa vision déclarée et la paix relative qu’il avait largement maintenue pendant ses décennies au pouvoir.
La paix maintenue sous le règne d’Houphouët-Boigny était une « paix autoritaire », reposant sur sa direction singulière et dominante, ainsi que sur la suppression de la dissidence, plutôt que sur des institutions démocratiques robustes et résilientes. Son objectif explicite était de laisser un héritage de « paix et de stabilité », et il est rappelé comme un « apôtre de la paix ». Cependant, cette stabilité fut largement obtenue et maintenue par un régime hautement centralisé et autoritaire, impliquant la suppression de l’opposition politique et le contrôle du système politique. Cela signifie que la stabilité était imposée plutôt que générée organiquement par un consensus démocratique. Malgré sa longue période au pouvoir, il n’a pas réussi à établir un mécanisme de succession clair et accepté, faisant des promesses à plusieurs héritiers potentiels. Cela indique une personnalisation du pouvoir qui n’a pas préparé l’État à son départ inévitable. Immédiatement après son décès, la Côte d’Ivoire a sombré dans une grave instabilité politique, incluant des coups d’État, un déclin économique et une guerre civile, exacerbés par des problèmes ethniques et d’identité nationale non résolus. Cela contredit directement son héritage souhaité de paix et de stabilité. La « paix » durant le règne d’Houphouët-Boigny était donc largement une « paix autoritaire », fruit de son leadership personnel et dominant et de la suppression de la dissidence, plutôt que le résultat d’institutions démocratiques solides et résilientes. Son long règne, tout en évitant les conflits immédiats, a en réalité reporté et intensifié les tensions sous-jacentes (ethniques, économiques et politiques). Une fois sa présence puissante et unificatrice (ou suppressive) disparue, ces problèmes non résolus ont éclaté violemment, démontrant la fragilité inhérente d’une paix construite sur un pouvoir personnel plutôt que sur des fondations institutionnelles solides. Cela met en lumière une leçon cruciale en matière de gouvernance post-coloniale : la stabilité à long terme exige le développement de processus politiques inclusifs et de mécanismes de transfert pacifique du pouvoir, et non pas seulement la présence d’un leader fort.
Conclusion : Réévaluer un père fondateur
Les principales réalisations de Félix Houphouët-Boigny incluent la conduite réussie de la Côte d’Ivoire vers l’indépendance, la promulgation de la loi historique « Loi Houphouët-Boigny » qui abolit le travail forcé, la promotion d’une croissance économique significative pendant la période connue sous le nom de « miracle ivoirien », et le maintien d’une stabilité politique relative pendant plus de trois décennies. Il fut également une figure pivot de la diplomatie régionale, entretenant des liens étroits et stratégiquement bénéfiques avec la France.
Cependant, son héritage est constamment tempéré par les critiques de son long règne autoritaire, de la suppression de l’opposition politique et de l’exacerbation de la dépendance économique vis-à-vis des intérêts étrangers. Le « miracle ivoirien » lui-même, bien qu’impressionnant par ses chiffres de croissance, eut un coût environnemental significatif et créa des vulnérabilités structurelles. Ses interventions controversées dans les pays voisins et, plus crucialement, son incapacité à gérer efficacement sa succession, sont considérées comme des facteurs directs de la profonde instabilité post-mortem et de la guerre civile qui ont ravagé la Côte d’Ivoire.
Houphouët-Boigny fut indéniablement une figure de « grande dimension », un « monument » de l’histoire africaine. Son acumen politique exceptionnel et son approche pragmatique lui permirent de naviguer dans le paysage complexe de la décolonisation et de construire ce qui semblait être une nation prospère et stable. Pourtant, ses politiques, fondamentalement guidées par une vision profondément conservatrice et une préférence pour la continuité et la coopération plutôt que pour un changement structurel radical , ont finalement créé un système politique et économique fortement dépendant de son leadership personnel et d’un soutien externe soutenu.
La métaphore du « grand baobab qui s’est écroulé » illustre de manière saisissante le vide laissé par son décès, un vide que les institutions ivoiriennes naissantes se sont révélées mal équipées pour combler, entraînant des années de troubles. La poursuite de la « stabilité à tout prix » pendant son long règne, bien que semblant réussie à court terme, a finalement entraîné l’accumulation de tensions politiques, sociales et économiques non résolues. Plutôt que d’être abordées et intégrées dans un cadre national résilient, ces tensions ont été simplement supprimées ou reportées. Son décès a retiré la figure centrale qui avait contenu ces forces, conduisant à une crise plus intense et prolongée que celle qui aurait pu survenir si des mécanismes institutionnels de gestion de la dissidence, de transfert du pouvoir et d’intégration sociale avaient été autorisés à se développer. Son héritage est donc complexe, où les méthodes mêmes qui ont apporté paix et prospérité de son vivant ont involontairement créé les conditions d’une profonde instabilité après son départ, illustrant l’importance cruciale du développement institutionnel durable par rapport à un pouvoir personnalisé. Sa vie et sa présidence constituent une étude de cas critique et souvent débattue des défis multiformes de la construction d’une nation post-coloniale, des compromis inhérents à l’atteinte de la souveraineté au sein des structures de pouvoir mondiales existantes, et des profondes conséquences à long terme d’un pouvoir centralisé et personnaliste en l’absence de transitions démocratiques robustes. Il demeure une figure controversée mais indéniablement centrale dont l’influence durable continue de façonner les débats contemporains sur le passé, le présent et la trajectoire future de la Côte d’Ivoire. Sources used in the report